Michel Wasserman / François Lachaud
FOLIES FRANÇAISES HIVER 2022
2022/01/17 (月) 16:39
Je suis tombé sur une version de Dorati de l'Oiseau de feu – avec le LSO. Chamanisme assuré. Hongrois se tromper et finalement non.
Certes, il reste l'autre diabolique maestro, mais je le crois unique dans tout, et pas si loin de Dorati d'ailleurs.
En ces temps de Nouvel An Russe, une légèreté de poids :
2022/01/17 (月) 22:43
En direct, le spectacle mensuel du kraton de Jogja [1].
Probablement sublime.
Je mate ça tous les mois.
Je te maile demain des extraits à tomber.
2022/01/18 (火) 9:23
Extraordinaire activisme du kraton de Jogja, qui dispose de son site sur You Tube, alimenté avec conviction et talent (les prises de vue sont merveilleuses), et dont les vedettes me sont désormais plus familières que les rejetons des stars du kabuki de ma jeunesse, qui n'ont plus d'autre légitimité que celle que leur confère leur état-civil. Tu me diras des nouvelles de ce somptueux bedhaya [2] (40'00""- 1h27'45") de l'automne 2020 : la majestueuse lenteur de l'entrée en scène (à partir de 43'35") vaut comme une apparition. Aragon disait qu'il n'avait "jamais rien vu d'aussi beau en ce monde" que ces danses. Moi non plus, c'était en 1979 et c'est comme si c'était hier.
Tu me diras aussi, la beauté des protagonistes ne nuisant pas au plaisir du spectateur (ni du Sultan...), s'il est créature plus ensorcelante que celle sur laquelle l'opérateur s'attarde non sans complaisance, à 50'35" sur cette spéciale dernière (ou désormais avant-dernière...) du 13 décembre de l'année passée.
Soyons bons princes (ou sultans éclairés) : les hommes eux aussi ont oublié d'être mauvais (à partir de 1h 02' 20").
Instants d'éternité.
2022/01/18 (火) 12:20
Là je m’avoue vaincu.
L’Indonésie me reste fermée, et toute cette beauté interdite et indifférente. À part le wayang [3] que j’irais volontiers revoir avec notre charmante représentante à Java… Le reste me laisse interdit.
Tout ça pour dire que...
Bref.
2022/01/18 (火) 15:39
Que l'Indonésie te soit interdite, soit. Au fond je pourrais dire la même chose. Mais indifférente... Il n'y a pas de musique en dehors de la tradition classique occidentale qui me touche à ce point (ne me dis pas que tu n'y es pas sensible, je ne te croirais pas), quant à la sensualité de ces danses féminines, l'absolue perfection des ensembles et la virtuosité technique de ce soliste masqué... Quoi qu'il en soit, quel étrange pays islamique où l'on peut admirer ces belles créatures aux gracieuses épaules découvertes exécuter leurs enivrantes danses chaloupées pour le plaisir du sultan. Que font-elles quand elles regagnent le vestiaire, est-ce qu'elles recoiffent le voile ?
Superbes Oiseaux de Feu : Gergiev transpire littéralement cette musique.
Borodina, quant à elle, est hors-catégorie : en cherchant, tu t'en souviens peut-être, un enregistrement de l'air de Salammbô de Bernard Hermann [4] , j'étais tombé sur ce joyau échappé à un opéra inachevé de Moussorgsky. L'aria est magnifique, et elle y est proprement miraculeuse...
2022/01/18 (火) 16:47
Je suis admiratif de l’exquise sensualité et de la beauté des danses – comme celle, surnaturelle, du wayang kulit -,
mais comme les musiques de cour du Rajahstan, enchanteresses sur place, dès le retour à la maison, plus rien. C’est l’ignorance non de la beauté mais de la structure musicale. Un vieux blues à Clarksdale [5] , un flamenco à Jerez, même un groupe de heavy metal polonais – pour donner un exécrable exemple extrême – et je me sens en pays connu…
Que me manque-t-il ?
Gergiev est un chamane. Vassily Petrenko aussi :
2022/01/18 (火) 21:14
Sans doute suis-je moins exigeant que toi, qu'importe le savoir pourvu qu'on ait l'ivresse...
Sur un chemin certes mieux éclairé, l'ivresse, ces deux-là la fournissent à satiété : chaman, chamane...
2022/01/18 (火) 21:34
Non, non, non. Ce qui est sublime c'est ce que l'on voit. La musique, envoûtante certes, m'échappe et – sans les images – ne me séduit guère. Soyons honnêtes : le Freischütz sans images me comble, là je me sens perdu. La beauté est indéniable.
Borodina... que du trois étoiles à l'alambic.
Mais il faut de tout pour un continent pareil...
2022/01/19 (水) 8:20
Nous sommes en fait d'autant plus d'accord que la musique en l'occurrence (que personnellement j'aime beaucoup pour son caractère envoûtant, sinon carrément hypnotique et planant) n'a pas ici de sens en soi, à peine plus (j'exagère un peu...) que l'accompagnement par les musiciens du geza [6] d'un spectacle de kabuki. Ce qui me comble est l'effet d'ensemble, la sensualité, la perfection technique (musique et danse), l'extrême lenteur qui n'empêche nullement l'affolante synchronisation des gestes et des mouvements, et pour tout dire le fait que je peux rester des heures à m'enivrer sans jamais m'en lasser de tant de beauté : est-il tant de choses hors de la culture qui est la nôtre dont je pourrais dire cela ?
La quatrième à la belote de nos altos du jour a clairement dans son jeu un tout atout.
[1] Le kraton est le Palais du Sultan de Yogyakarta. Des spectacles musicaux et dansés y sont régulièrement donnés par la troupe royale. Cette programmation est largement diffusée sur You Tube, sur la base de retransmissions d'une remarquable qualité technique. [2] Danse rituelle donnée en présence du souverain. [3] François Lachaud évoque ici le wayang kulit, ou théâtre d'ombres javanais. [4] Voir Folies françaises 2021, 2021/11/17 (水) 0:02 . [5] Ville du Mississipi, "birthplace" autoproclamée du blues. [6] Réduit ajouré côté jardin, abritant les instrumentistes qui assurent l'accompagnement musical des spectacles de kabuki.