2022/02/02 (水) 21:16
Si cette langue a pris les consonnes et le finnois les voyelles...
Ne pas oublier non plus :
Merveilleux moments.
2022/02/02 (水) 23:04
Tadatsugu Sasaki, genre prince de la Renaissance version Azabu Juban [1] , dirigeait le Tokyo Ballet qu'il avait fondé. Il vivait, servi par une cohorte de valets de chambre, dans une gentillhommière d'un mauvais goût confinant à l'oeuvre d'art, encombrée de porcelaines de Meissen et d'un bazar foutraque chantant la gloire de l'Opéra, étoiles et divas confondues. Posée sur l'une des vitrines, une cloche de verre enfermait deux énormes chandeliers, avec la cire des bougies encore dégoulinante. On s'approchait, et on lisait sur une plaque de cuivre que les deux objets avaient servi aux représentations de Tosca à Covent Garden entre, disons, 1904 et 1966, et qu'ils avaient été manipulés, entre autres, par Muzio, Jeritza, Cigna, Tebaldi, Milanov et Callas.
Buona notte !
2022/02/08 (火) 10:13
Le bazar foutraque de Monsieur Sasaki et ses chandeliers manipulés par des générations d'illustres Toscas, impérissable souvenir, est resté sans écho de ta part. Il me paraissait pourtant mériter meilleur sort.
Qu'en sera-t-il de cet autre savoureux moment d'histoire du théâtre ?
2022/02/08 (火) 14:43
J'étais à Tsugaru en quête de divinités errantes et de poupées étranges– je trouvai mon bonheur – parmi les chutes de neige les plus abondantes depuis 50 ans dans la région. La montée des marches du Kudo-ji [2] hier m'a pris deux heures et j'ai cru ne pas en réchapper. La veille, le moteur du train me ramenant de Kuroishi à Hirosaki, puis celui vers Ōwani sont tombés en panne – moteurs gelés – et ce fut, comme de bien entendu, extraordinaire.
Je ne connaissais Sasaki que de nom pour avoir été le promoteur de la Scala au Japon. Je ne souviens plus de qui fit venir Carlos Kleiber en 1994 pour un Rosenkavalier qui lui servait à remplir son frigidaire, mais fit un heureux. La distribution n'était pas la même, mais la mise en scène, dans mon souvenir, si.
Et l'année où certains remontaient la rue Soufflot :
Quand au bazar foutraque, cela me rappelle un peu chez André Tubeuf et chez une de mes voisines à la fin des années 1990, dont la maison dans la vallée de Chevreuse était un mémorial à l'art lyrique digne du facteur Cheval.
2022/02/08 (火) 22:18
Une virée à Tsugaru au moment le plus froid de l'année ? Tu n'as peur de rien ! Sasaki a de fait été l'inventeur du concept de hikkoshi kôen [3] , et tu lui dois probablement d'avoir assisté au Rosenkavalier de ton héros. Il était également le tourneur au Japon de l'Orchestre de Paris, et quand Chirac, alors Maire, m'envoya en 92 proposer à son homologue de Kyoto de faire inaugurer le Kyoto Concert Hall d'Isozaki [4] par l'Orchestre dans le cadre de l'accord de jumelage, je dus aller négocier une tournée japonaise pour 95 auprès de Sasaki, qui me reçut bien entendu dans son bazar. C'est lui qui eut l'idée, assez convenue à la vérité, de programmer la Deuxième de Mahler puisque nous visions la "résurrection" de la vie musicale à Kyoto. L'Orchestre était alors dirigé par Bychkov, ancien chef de choeur dans sa jeunesse soviétique, et j'y allai tout de même de ma larme lorsque le Choeur entonna le choral de la Résurrection.
[1] Quartier cossu de Tokyo. [2] Le temple Kudo de Hirosaki, dans la région de Tsugaru, à l'extrême-nord de l'île principale du Japon, abrite une célèbre peinture spectrale, oeuvre du peintre Maruyama Ôkyo (1721-1786). Un musée du kokeshi, poupée de bois associant une tête sphérique et un corps cylindrique et fabriquée dans la région depuis quelque cent cinquante ans, se trouve dans la localité de Kuroishi. [3] Littéralement "représentation-déménagement", associant solistes, choeurs, orchestre et personnel technique d'une grande maison d'opéra occidentale (Scala, Wiener Staatsoper, etc). Sasaki a initié ce mode de production au cours des années 70. Les décors et les costumes des spectacles sont convoyés tels quels jusqu'au Japon. [4] Arata Isozaki, architecte japonais né en 1931.