2022/11/22 (火) 16:58
A Paris nous arrivons en masse, A Paris nous nous précipitons ! A Paris, il faut nous faire place ! A Paris nous nous ruinerons.
M'y voici donc.
Et tu, mi fili ?
Toujours dans la "ville splendide" ?
Déjà rentré à Tokyo ?
Qui n'a rien à voir.
La vidéo pour les 80 balais de Barenboïm est agaçante pour les coupures intempestives sinon carrément brutalistes, mais quelle puissance et quelle versatilité (quoique pour la représentativité on aurait souhaité plus de lyrique). Le type nous aura vraiment accompagné toute notre vie.
Je n'oublie pas qu'il dirigea, dans un moment de grâce, la marche funèbre de l'Héroïque exécutée dans la Scala vide (les portes du théâtre étaient ouvertes et le public massé au dehors) en hommage à Abbado. Je viens de sonder ma messagerie : c'était en mars 2014. Le prototype de nos Folies que j'avais alors adressé tous azimuts regroupait quasi notre actuel lectorat. Souvenir...
2022/11/22 (火) 17:28
Je rentre à l'instant chez moi !
Je range mon brolle et je me remets à nos aventures.
2022/11/23 (水) 9:42
Difficile de mieux faire en terme de chassé-croisé élargi aux dimensions de la planète. Nous ne faisons pas les choses à moitié, nous autres, d'ailleurs les Folies françaises, admettons-le, ne sauraient être l'oeuvre d'humains normalement constitués.
Quant à brolle que je découvre, soit : d'usage familier, désigne un endroit un espace, un logement singulièrement désordonné, laissé en l'état, sans soin ni entretien, ça vous a quand même plus de gueule que foutoir, bordel, bazar, ou boxon !
2022/11/23 (水) 10:13
Un paquet m'attendait à mon retour :
Il était accompagné d'un mot gentil de mon ami d'enfance Matthias, désormais régisseur [1]. Nos destins croisés, que dis-je entrelacés, font décidément réfléchir.
2022/11/23 (水) 23:05
107 CD ?!
Prends garde à ne pas faire une indigestion de tant de beauté.
Et quand je songe que nous ne devons pas même prononcer le nom de ce génie, faute de devoir acquitter un gage [2].
Je reverrai toujours la chambre d'étudiant de Princeton où j'entendis pour la première fois ceci, qui serait s'il fallait choisir la seule chose à emporter sur l'île déserte. C'était en 1971, et c'est comme si c'était hier.
2022/11/26 (土) 13:19
Voilà, Grand garçon, j'ai trente ans de plus... ou de moins, c'est selon la manière de voir les choses..
Ce fut une belle fête, pleine de visages connus et inconnus.
Madame la Ministresse de la Culture, une figure de la diversité beaucoup plus jeune que David et que toi [3], fit un beau discours, le signor commendatore fut traité avec les honneurs dus au père fondateur et songea qu'il n'en avait pas toujours été ainsi. Il a bien des fois (Mozart à Kyoto [4], Arches d'or [5] et autres paperoles) raconté la belle histoire du making of de la Villa, comme on nous racontait quand il était petit celle, bien entendu exemplaire, de l'Union française, mais il avait tu jusqu'ici les savonnages de planches qui ne lui furent pas épargnés. On lui pardonnera d'y avoir songé en ce jour festif, et puisqu'on pardonne aux fous on lui passera aussi de saisir le cadre que lui fournit nos divagations pour narrer de tous ces savonnages le seul dicible, car tellement énorme qu'il en devient drôle, dénué au surplus de la crasse méchanceté dont les autres ne furent pas toujours exempts.
La décision de construire (mais quoi ?) sur le site de l'ancien institut avait été prise par Paris quelques mois avant sa nomination, pour éviter que les Japonais ne vendent le terrain désormais vide de toute construction. Si bien que lorsqu'il se rendit au Ministère pour prendre ses instructions, il se vit donner par le magnifique officiel en charge de la Direction des Relations culturelles, scientifiques et techniques, comme on disait à l'époque, mission de faire construire un établissement culturel par les Japonais, à charge pour la partie française, résurrection de l'admirable mode opératoire claudélien, de faire fonctionner la chose une fois qu'elle nous serait livrée clés en mains. La nature l'ayant fait bête et obéissant (surtout bête), il fit tant et si bien qu'au bout de trois ans il avait fait cracher les Japonais au bassinet, mandaté un sublime architecte local et obtenu des services d'urbanisme de la Municipalité de Kyoto qu'ils avalisent de plus ou moins bonne grâce le projet (superbe) dudit architecte. Il se rendit donc à nouveau au Quai, où l'officiel qui l'avait missionné était comme il se doit depuis longtemps passé à la trappe. Et lorsqu'il fit savoir à la petite main en charge du suivi que les Japonais avaient rempli leur part du contrat et qu'il convenait désormais de nous acquitter de la nôtre, il se fit répondre par la donzelle (une dame "de" quelque chose qui ne peut en aucun cas s'être exprimée ainsi verbatim, elle était sans doute trop bien élevée pour cela, mais pour le fond c'était tout comme et il ne garde en tête que la formulation suivante) : "Vous n'avez pas encore compris que vous emmerdez tout le monde ? -P...pardon ?, balbutia le malheureux intéressé. - Ce n'est par parce qu'on vous donne des instructions aberrantes qu'il faut se croire tenu de les appliquer. Jamais personne ici n'a pensé que la chose se ferait". Et de fait il n'y avait pas un sou de budgeté, on puisa donc pour le financement des résidences dans le programme des bourses de recherche et de création à l'étranger (on disait alors joliment : Villa Médicis hors les murs), et quant au personnel japonais dédié on l'autorisa à engager un(e) secrétaire payé(e) avec un lance-pierre, et une concierge à demeure pompeusement baptisée intendante. On a connu des Villas Médicis mieux dotées... La nouveauté du concept de résidence artistique, alors inconnu au Japon, et l'attractivité du pays aux yeux des artistes français, fit que le programme put démarrer malgré ces conditions de grande pénurie, et l'intéressé fut donc à même, après deux ans de fonctionnement, de remettre à son successeur une affaire qui somme toute roulait. Vingt ans plus tard toutefois, au moment où l'on créait l'antenne japonaise de l'Institut français, la République eut des états d'âme et songea à se débarrasser de la danseuse, jugée décidément encore trop consommatrice de thunes. L'ancien directeur vit donc un beau jour arriver un petit inspecteur de la Culture et un autre des Affaires étrangères, qui semblaient s'inquiéter fort de l'état du bâtiment : qui veut noyer son chien, etc. On ferma donc pendant dix-huit mois, le temps de trouver une fondation qui permettrait à la puissance publique française de se décharger d'une large part de ses obligations, et un mécène qui financerait des travaux de maintenance cosmétiques qui ne nécessitèrent que quelques semaines et furent pompeusement baptisés de "restauration". On était donc bien loin alors de songer à célébrer des anniversaires, les trente ans d'aujourd'hui rattrapent donc en quelque sorte les vingt ans qui passèrent alors à la trappe. Quant à la fondation binationale créée par Claudel pour servir de tutelle à l'Institut franco-japonais du Kansai, et sans laquelle on aurait été bien en peine de construire quelque Villa Kujoyama que ce soit, on lui demanda de bien vouloir se faire honorablement hara-kiri au moment de la création de l'Institut français du Japon : je ne veux voir qu'une tête. L'histoire ne dit pas si les Japonais de ladite fondation furent ravis de s'exécuter.
2022/11/26 (土) 19:35
J’en sentirais presque les paillettes me tomber sur les épaules.
L'essentiel est qu'on t'honore, génial démiurge, aussi savant que bâtisseur. Cela m'épate et m'enchante.
Rien de nouveau pour moi. Sinon 17 CD de DFD et le constat amer d'avoir été libre à Upsal comme à Inari [6] pour revenir vers un Pays des Masques qui risque de ne plus être celui du sourire pour longtemps. Sauf le nôtre dès ton retour.
2022/11/28 (月) 20:56
De retour précisément ce jour sur l'Ile aux Masques. Tu es, comme toujours, trop aimable à mon égard, tu finiras par me rendre insupportablement fat. Je ne parviens pas à décider en te lisant si 17 est une corruption de 107, ou si tu t'es déjà appuyé la bagatelle de 17 CD ! Du Maître des Maîtres, et s'il n'y avait qu'une pièce pour accompagner sur l'île déserte l'Abschied du Chant de la Terre :
2022/11/30 (水) 11:20
S'agissant du Chant de la Terre, il me revient que le grand Horenstein à l'article de la mort disait que "one of the greatest regrets in dying is that I shall never again be able to hear Das Lied von der Erde".
Qui n'a rien à voir : j'aime décidément (mon mail du 8 novembre) beaucoup Julie Fuchs, qui a la tête aussi bien faite que le gosier, et je tombe par hasard ce matin sur cette interview, et sous le charme.
2022/12/01 (木) 11:17
Ce n'étaient que 17 CD de DFD. Pour Mahler, on ne saurait être en désaccord.
Et ce que tu me mandes de Julie Fuchs me donne envie d'en savoir plus.
2022/12/02 (金) 9:01
Bernstein, Carlos, Horenstein, so sprechen wir von der Schönheit.
Je n'oublie pas, le monde étant petit, que Horenstein est l'oncle maternel de Beate [7], qui détestait sa terrible mère (la soeur aînée de Jascha) et ses leçons de piano.
Et puisque nous voici en décembre, cela fait donc dix ans ce mois-ci que Beate nous quitta le 30 décembre 2012. Lorsque nous étions allés l'interviewer deux ou trois jours à New York avec Nassrine Azimi en mars de la même année, alors qu'elle savait (pas nous) que sa maladie faisait que nous ne la reverrions pas, elle qui parlait avec nous dans un joyeux salmigondis toutes les langues que nous partagions avec elle (anglais, français, japonais) était retournée à l'allemand (elle était née à Vienne) pour nous dire quand nous prîmes congé d'elle sur le pas de sa porte que "Alles hat ein Ende, nur die Wurst hat zwei" [8]. Pas mal pour une dame de 88 ans annonçant en langage codé sa mort prochaine...
Revenons à notre Chant de la Terre bien aimé. Chez Carlos la Ludwig est telle qu'en elle-même, à savoir sublime, mais dans le Horenstein Alfreda Hodgson n'est pas mal non plus. Haunting...
[1] Voir Folies françaises 2020, 2020/04/22 (水) 15:07. [2] Voir Folies françaises 2020, 2020/04/16 (木) 22:04. [3] Rima Abdul-Malak, qui a la double nationalité française et libanaise, est née à Beyrouth en 1979. Madame le Ministre est donc plus jeune que François Lachaud, né en 1967, et même que David, le fils de Michel, né en 1973. La roue tourne... [4] Mozart à Kyoto, Les Indes Savantes, 2008. Voir Folies françaises 2020, 2021/09/19 (日) 14:00, note 29. [5] Les Arches d'or de Paul Claudel - L'action culturelle de l'Ambassadeur de France au Japon et sa postérité, Champion, 2020. [6] Voir supra, 2022/10/04 (火) 0:49, note 9. François Lachaud a prononcé sur le chenin du retour une conférence en Suède. [7] Voir Folies françaises printenps 2022, 2022/04/28 (木) 6:46. Beate Sirota est la fille de Leo Sirota et d'Augustine Horenstein. Nassrine Azimi et Michel Wasserman ont consacré en 2013 un ouvrage, Le dernier bateau pour Yokohama (éditions Le Ver à Soie), à l'odyssée culturelle et politique du père et de la fille. Le père contribua dans les années trente et quarante à former l'école japonaise de piano, la fille, élevée à Tokyo et parlant couramment le japonais, revint dans les bagages de MacArthur après avoir effectué ses études universiitaires aux États-Unis, et contribua (à 22 ans) à la rédaction de l'article sur l'égalité des sexes dans la Constitution japonaise de 1946. Elle est au Japon une icône féministe. [8] Tout a une fin (un bout), seule la saucisse en a deux.