2024/01/18 (木) 8:13
J'en ai terminé hier soir avec ma "carrière" enseignante, Grand garçon. Elle était réduite cet ultime semestre à un unique cours d'amphi, et je me suis payé le luxe pour finir (sans révéler aux étudiants quoi que ce soit de ma situation qui ne regarde que moi) de leur dire que j'avais au fond passé l'essentiel de ma vie dans deux villes sublimes dont la survie aux guerres du vingtième siècle est en soi un miracle : je leur ai donc montré à Kyoto le carrousel des locomotives qui aurait dû servir de cible à la bombe atomique, après quoi, plongeant dans des souvenirs d'adolescence, je leur ai montré le puits de lumière de la Sainte-Chapelle, dont la découverte par un jour de grand soleil au sortir de la pénombre de l'escalier demeure l'expérience architecturale la plus bouleversante de ma vie.
2024/01/18 (木) 9:57
J'ai fort pensé à toi et à ce que tu dirais lors de ce dernier cours.
Je partage, une fois encore, ta manière de faire : mes étudiants, comme mes collègues, ne savent rien de ma vie privée sauf quelques éclairages familiaux.
C'est une règle d'or.
La règle, aussi inexorable qu'émouvante, qui veut que chaque année nos étudiants ont le même âge et nous un an de plus scande notre vie. Elle m'a fait mesurer le temps qui passe et que, désormais je peux avoir des élèves voire des disciples mais plus d'amis.
Dylan finit ses concerts avec cette chanson :
Les paroles valent le Nobel, mais c'est l'orchestration d'aujourd'hui qui ferait venir des larmes à une pierre.
2024/01/19 (金) 6:08
Merci de cette superbe chanson qui me va droit au coeur, Grand garçon, malheureusement il me manquera toujours ce qui la fonde. J'en suis resté à la phrase de Malraux : "La culture est l'héritage des oeuvres du passé qui concourent à la qualité de l'homme lorsque cette qualité n'est plus fondée sur la foi".
2024/01/19 (金) 18:45
Bob me semble avoir la même « foi » que Melville – c'est-à-dire la connaissance biblique dont j'ai aussi quelques restes. Quoi qu'il en dise.
En revanche, 'Every Grain of Sand', issu de sa période dite "chrétienne" – trois très mauvais albums pour être honnête – est devenu aujourd'hui tout autre chose en concert.
Je ne suis pas sûr de suivre Malraux. Pour ma part, j'ai la même relation avec la foi que Bergman et Beckett.
Disons-le, pour continuer dans l'oraculaire, je serai toujours du parti de Faust contre Melanchthon [1], sinon du Maître contre Marguerite.
Ott est parfaite.
2024/01/20 (土) 0:05
Goddess.
2024/01/20 (土) 10:59
Mon ami Matthias – collègue d'outre-Rhin – m'a envoyé un message selon lequel Nina Stemme devrait raccrocher. J'ai peine à y croire. J'avais certes détesté la mise en scène, mais elle était une Ortrud de haute futaie à Paris. Et plus récemment :
Je l'ai vu sept fois dans le rôle.
Dire qu'elle à 60 ans !
2024/01/20 (土) 21:40
C'est déjà miracle qu'elle ait tenu jusque là, Grand garçon, à son âge et Callas et notre divine Lucia, pour ne parler que d'elles, étaient passées à l'as depuis bien longtemps, et je ne parle pas de la vie que ces gens mènent, de la crainte d'attraper froid ou dieu sait quelle saloperie, du tabagisme ambiant, du trac. C'est drôle, c'est ce que je pensais l'autre jour en t'adressant ça :
Quelle journée de moniale faut-il avoir passée pour être à même d'assurer ainsi le soir ?
Alors, peut-être que ta chère Nina est tout simplement heureuse de ne plus avoir à affronter ça...
Qui n'a rien à voir. Je crois te l'avoir déjà dit, j'ai une passion pour la démo DGG tournée par Alice à Paris, quand nous étions coincés ici par le covid je trouvais la chose formidablement nostalgique et me la repassais avec ivresse.
Je m'étais efforcé de retrouver les lieux qu'elle parcourt la nuit, j'y suis revenu hier soir, j'ai fini par retrouver à 1'55" le restaurant La Serenissima, 16 rue Pierre Fontaine, et à 1'57" le Café Le Chaptal,74 Bld des Batignolles. J'aimerais retrouver le carrefour à 1'40", et surtout le pont sur les voies autour de Saint-Lazare, entre 3'02" et 3'24", qui échappe à toutes mes investigations, alors que ça ne devrait pas être si difficile à trouver. Si tu as une idée...
2024/01/21 (日) 10:41
... et pour couronner le tout, la grande Ewa tire sa révérence.
On est peu de chose.
2024/01/21 (日) 11:33
Superbe interview, tant de choses auxquelles je pourrais souscrire, et concernant mon message d'hier sur Stemme le paragraphe final.
En guise de RIP :
2024/01/21 (日) 17:21
L'article n'a pas dû t'échapper.
Cela force à s'incliner devant ces forces finnoises à la baguette.
L'article ne mentionne pas le très remarquable :
2024/01/22 (月) 9:10
Dommage qu'on n'en sache pas plus sur la Valse triste de Rouvali, qui semblait bien partie. Je ne sais si les baguettes finnoises sont plus sibéliennement autorisées que les autres, quoi qu'il en soit, Grand garçon, je ne peux faire que le vieux Karajan n'ait signé l'année de ta naissance une interprétation de la VT que je découvris alors, et dont la neurasthénie à jamais m'enchanta.
Je passe sur le soliste impérial de son Tuonela.
Parmi les versions de la VT que j'ai pu trouver sur le net, j'aime beaucoup celle, il est vrai tragiquement contextualisée, du fils Jarvi et de ses Estoniens, de quasi régionaux de l'étape au demeurant...
2024/01/22 (月) 9:37
C'est moins le répertoire enregistré que la présence si massive de chefs finlandais. Je ne suis pas, tant s'en faut, un adepte des baguettes données trop jeunes.
Je crois que ceci – l'article l'évoque – tient au recul des Russes. Mais pas seulement. J'ai écouté hier au soir une symphonie inspirée du Kalevala d'un certain Olli Mustonen (né comme moi en 1967) qui, mieux que bien des œuvres contemporaines, m'a semblé intéressante.
Je trouve amusant que la Finlande soit connue comme le pays le plus mélomane et celui où l'on trouve les plus nombreux fans de métal (point commun avec le Japon).
J'ai lu un article sur ce compositeur inconnu de moi :
Je ne sais qu'en penser.
2024/01/22 (月) 21:55
De toi à moi, moi non plus. J'ai autrefois reçu à l'Institut le pianiste allumé qui joue ça, il faisait vibrer ses bols thibétains, et passé la curiosité des cinq premières minutes je n'ai pas d'autre souvenir que celui d'un mortel ennui.
J'en profite pour revenir à Ewa Podles, qui aura fait une longue et superbe carrière et qui mérite bien de notre part un suprème hommage, d'autant plus que nous aurions le sentiment de réparer ainsi une injustice : en tapant son nom sur le net, on trouve en effet ceci (qui est peut-être trop dire ? ) :
Ewa Podleś (b 1952 in Warsaw) is one of the greatest singers of the end of the old century and the first years of the new. Though appreciated by devotees of opera, she has not received as much recognition as her great ability warrants.
Quoi qu'il en soit réparons donc : je passe sur les choses sensationnelles que nous avons déjà signalées (Orphée, Erda, Alexandre Nevsky).
Adalgisa
Maffio (Lucrezia Borgia)
Ulrica
Carmen
La Cieca
Je m'arrête ici pour aujourd'hui : on risque carrément l'indigestion de merveilles ! Je ne sais pas pour toi, mais moi je n'ai plus l'âge !
2024/01/23 (火) 14:34
Podles faisait partie du cercle très restreint des contraltos. Contralto absolue pour certains admirateurs, je n'ai pas eu le temps de chercher très au-delà du répertoire dit "baroque" où elle n'avait aucune rivale.
Une fois encore, en dehors de la voix incroyable, sa capacité à chanter eu plusieurs langues de manière convaincante m'éblouit. Je dois avoir avec elle un disque dans une Dame de Pique formidable.
2024/01/23 (火) 22:25
Bel article de Marie-Aude Roux sur "the best contralto ever",
et j'ai fini par retrouver l'air de la Comtesse dans la Dame de Pique, me voici en paix avec moi-même, elle y fait des trucs incroyables (3'53"→), ça devait être un sacré numéro à diriger.
Je me suis presque entièrement borné dans mes choix d'extraits aux choses qu'elle avait faites avant la quarantaine, mais comme tous les mezzos elle avait gardé sa voix jusqu'à un âge avancé. Pour le français, elles le possèdent généralement bien, ayant souvent passé leur carrière à chanter Carmen, et (au moins en concert) les trois airs de Dalila.
Cenerentola
L'Italiana
Tancredi
Il viaggio a Reims
Favorita
La Marquise (Fille du Régiment)
Dalila
Son timbre m'évoque souvent celui de Denise Scharley, pour laquelle j'éprouve une passion qui ne le lui cède en rien. Poupoule, qui partageait mon admiration, avait écrit à Scharley qu'elle le conduirait droit au Carmel.
2024/01/24 (水) 0:38
J'avais lu l'article qui m'avait beaucoup plu et immédiatement souscrit à Erda, Ulrica – le nom de trois de mes clés USB, ça ne s'invente
pas – et Klytämnästra.
Quant à Minkowski, cela fait plaisir de retrouver son nom, après tout, je lui dois ma découverte de La Dame blanche. On trouve des hommages de fans à la hauteur, faute d'être exhaustifs, mais qui ont pour eux de n'être pas nés d'hier :
Par quel cheminement suis-je arrivé à cela :
Extinction des feux.
2024/01/24 (水) 7:49
Pure beauté, sans rien qui pèse ou qui pose.
Que répondre sinon par une anthologie dont tu sais combien elle m'est chère, et qui fut publiée non pas en 1948 comme il est indiqué ici par erreur, mais la même année 1940 dans cette même Amérique où ces deux magnifiques anti-fascistes avaient fui les régimes honnis de leur pays d'origine, dont ils étaient la plus sublime expression. C'est un bien grand privilège pour nous que de tutoyer quotidiennement les plus hautes manifestations du génie humain.
2024/01/25 (木) 1:07
Je ne travaille jamais en musique sauf exception : cet après-midi Pinza ; pour me remettre, ce soir, le Rheingold de Krauss en 1953.
Outre mon Erda préférée, on y retrouve la sublime :
Une certaine Sibylla Plate est Grimgerde...
Et de se dire, cum ira et studio [2], que tous les absolus sont relatifs. Je trouve d'ailleurs un charme supplmentaire à ces voix que nous n'avions aucne chance d'entendre , que nous ne pouvons nous reprocher d'avoir manquées et qui nous parviennnent comme pour nous rappeler l'adage faulknérien sur le passé qui n'est pas mort faute d'être passé [3].
2024/01/25 (木) 16:47
Ton Erda préférée... Ilosvay est certes l'une des cantatrices, dis-tu (2020/05/30 (土) 11:12), que tu as – un temps – collectionnées.
En remontant dans nos archives, je me suis amusé à recenser celles sur lesquelles, tels Wotan, nous sommes tombés au hasard de nos divagations. Podles, passé l'Achéron, va trouver à qui parler...
Thorborg
Ilosvay
Madeira
Dominguez
[1] Théologien protestant (1497-1560) qui s'opposa au Faust historique.
[2] Sine ira et studio (sans colère ni passion), Tacite, Annales 1.1.
[3] “The past is never dead. It's not even past.”(Requiem for a Nun).