La période couverte par la présente livraison est la première de l'ère covid qui vit les deux auteurs se rendre dans leur terre natale à quelques semaines d'intervalle entre septembre et novembre. En provenance de "la planète habitée la plus proche de la terre" où ils résident habituellement, ils ne manquèrent pas de s'étonner de ce que leurs concitoyens s'entassaient sans masque dans le métro aux heures de pointe malgré les recommandations régulières de continuer à porter la chose qui leur étaient pieusement faites durant le trajet par la RATP. Au Japon, malgré les (timides) encouragements prodigués par le corps médical et le gouvernement à se débarrasser, au moins à l'extérieur, de ce hideux et incommode accessoire, le public n'en a cure et persiste mordicus à s'en couvrir le visage dans quelque lieu (ouvert ou fermé) que ce soit, suscitant la surprise des touristes étrangers qui sont revenus, profitant des conditions d'accès rendues à leur normalité et de la baisse spectaculaire de la devise locale. Il n'est décidément pas facile de faire le bonheur des peuples !
Nos Folies d'automne ont une coloration plus française que les épisodes qui les ont précédées. Sans doute avons-nous voulu rendre un hommage implicite à l'admirable école des années d'après-guerre, qu'il convient pourtant le plus souvent de considérer comme une période noire pour le chant français. Il n'y a pourtant pas que Callas, Tebaldi, Corelli et Di Stefano dans la vie (de l'art lyrique), et qui donc pourrait réunir aujourd'hui la distribution de rêve du Dialogue des Carmélites de la création en 57 (Duval, Crespin, Gorr, Scharley, Berton) ? Je ne parle pas de notre étoile saisonnière, l'immense Renée Doria*, qui n'eut pour de mystérieuses raisons les honneurs ni des scènes étrangères ni des labels prestigieux, et qui incarne quasi à elle seule un type de voix qui sonne comme un oxymore, le soprano colorature dramatique.
C'est d'ailleurs à propos de sa consoeur, la délicieuse Liliane Berton, que j'écrivais, dans une livraison déjà ancienne de nos Folies françaises, "dont nous empruntons le titre à une suite de Couperin, [qu'elles sont] aussi comme le Tombeau de ces dieux et déesses injustement oubliés, qui trouvent une vie posthume dans nos souvenirs émerveillés, et dans ces modestes colonnes. C'est beau !"
Oui, c'est beau.
* Nous eûmes, on le verra plus loin dans le parcours, des états d'âme avec Carol Vaness, qui mérite plus en l'occurrence qu'un Prix spécial du jury. Mais Doria eut moins droit aux trompettes de la renommée, on lui doit donc bien cet hommage d'ailleurs tout juste posthume, puisqu'elle nous quitta centenaire en mars de l'année dernière.
Kyoto, le 24 décembre 2022
Michel Wasserman
Ancien directeur de l'Institut franco-japonais du Kansai et de la Villa Kujoyama, Michel Wasserman enseigne à la Faculté des Relations internationales de l'Université Ritsumeikan (Kyoto). Metteur en scène, il dirige une compagnie lyrique, la Kyoto Opera Society.
Ancien responsable du Centre de Kyoto de l'École française d'Extrême-Orient puis directeur des études de l'institution, François Lachaud dirige actuellement le Centre de Tokyo de l'EFEO. Il enseigne parallèlement à la section des Sciences religieuses de l'École pratique des hautes études.
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