2020/05/15 (金) 19:37
Querido Michel,
Ton message me trouve ouvrant un CD de Behzod Abduraimov, Rachmaninov à Lucerne, et je partage avec toi un souvenir amusant. En parlant avec Alfred le Grand — Brendel — je lui mentionne le beau Serge. Il me fait part de sa réticence, puis, avec ce sourire de Nosferatu joyeux déclare : « Mais c'est très beau ! ». En français dans le texte. Marie-Aude Roux me dit : c'est un scoop ! Mais Bowie calanche et tout part à la trappe avec les nigauds.
Quelle splendide anecdote. Ah ce saumon au pain grillé... Quelle voix aussi !
Et puis :
Tout cela n'a pas de faim.
Ton saute-ruisseau.
2020/05/15 (金) 20:28
Là, Grand garçon, je n'ai qu'une réponse, je me suis d'ailleurs parfois demandé si ça n'était pas tout simplement le plus bel enregistrement d'opéra qui soit, explosant jusqu'à la notion d'impossible.
2020/05/16 (土) 0:32
Maestro,
Je peux comprendre même si – dans ces prises de parti stupides qui tiennent lieu d’avis autorisés – je n’ai fait qu’admirer la grande dame sans vouloir ni oser en faire le tour.
J’ai écouté ce soir une « playlist », comme on dit en nos temps rassotés d’anglicismes, de Marlis Petersen que j’avais vue, et entendue, lors de mon dernier passage aux USA en 2015 dans une Lulu qui défraya la chronique... Ce n’est pourtant pas l’une de mes œuvres préférées. Tant s’en faut. Ne parlons pas de la mise en scène.
Ses choix, en récital aussi, sont admirables. Elfes, lutins et autres créatures étranges.
Et puis, ce grand interprète que j’ai beaucoup poursuivi :
Même en plein lockdown...
Tibi.
2020/05/16 (土) 5:57
J’ai toujours trouvé que Gerhaher était aussi bien que possible dans un monde à jamais orphelin de son dieu.
Quant à Marlis Petersen elle chante très bien, y compris dans ce Trio des Masques (?) où le régisseur avait de toute évidence éprouvé comme nous des difficultés à s’approvisionner à la pharmacie du coin :
Bonne journée (ici pluvieuse) à toi.
2020/05/16 (土) 9:47
Montserrat Caballé, DFD, Flagstad, Christoff, Crespin aussi ont été là où personne n'ira plus, servis par des partenaires immenses, des metteurs en scène fabuleux et des publics parfaits.
DFD a eu Gerhaher et Goerne pour élèves. Pas mal, même si le second est très bon. Ce que j'essayais de te dire, mais mal, c'est cet effort vers les ailleurs. Je ne pouvais plus pour le jazz où je ressemblais à l'« aficionado qui a vu toréer Manolete » et pour qui plus rien n'existe.
Au Blue Note ici, on m'avait envoyé faire un portrait du trompettiste Avishaï Cohen. Cliquetis des couverts, Coréennes et Chinoises refaites, tout conspire à gâcher la fête. Je prends un verre avec lui et il me dit : « Don't compare me with Miles or Brownie. » On a fini avec des histoires du Baal Shem[1] et autres récits. Du coup, la sauce métissage a été rajoutée par le magazine. Après les 80 ans de Ron Carter, rien ou presque. Cohen et son frère, excellent pianiste, ont droit à Miles – son héros à chaque fois – et moi, je ne connais plus la scène contemporaine.
Rien ne vaut l'image et le son : ces deux disques solo chez ECM m'enchantent. Son groupe de jazz expérimental nettement moins.
Mais, comparé au maître des Maîtres Anciens : que faire ?
Ton serviteur.
2020/05/16 (土) 11:19
Le maître des Maîtres anciens dis-tu ?
Je viens de taper à tout hasard “La vie parisienne Barrault”, et voici ce sur quoi je tombe.
Je ne savais même pas que ça existait, et dans cette qualité de son ! Bien sûr c’est très mauvais, mais quelle importance ? Ma vie est à partir de ça. Ma soeur est obligatoirement dans les choeurs, le petit Bobinet est Jean-Pierre Grandval, Raoul de Gardefeu est chanté assez joliment par Jean Desailly. Metella est bien entendu Suzy Delair, le couple suédois Pierre Bertin et Madeleine Renaud, et le Brésilien est massacré par Barrault. Mais ai-je besoin de te dire que j’ai écrasé une larme ? Ce voyage dans notre passé surcomposé est une aventure décidément inouïe.
2020/05/16 (土) 12:51
Là on touche au sublime de coïncidence.
Tu auras compris que, sans jamais le renier - après tout, j'ai trop écrit dessus pour le faire - le jazz qui m'a marqué au bleu et au noir m'obligeait à un grand écart. Il me reste, tout de même, de quoi faire et me faire illusion. C'est assez. Face aux piles de CD autour de moi, je ne vois guère plus que les gens de la génération de Miles... C'est comme une amie qui me demandait qui étaient mes écrivains français contemporains préférés : je ne savais pas quoi lui répondre. Le niveau de faiblesse arrive à de tels profondeurs abyssales que l'on en prendrait Modiano pour Fargue (un de mes héros).
Quitte à en rester aux souvenirs (pas directs évidemment) :
Vive l'opérette !
Tibi.
2020/05/16 (土) 13:26
Une autre anecdote, plus courte je te rassure. J’étais à la bibliothèque de la Maison franco-japonaise pour préparer un énième Claudel. C’était l’année où Modiano avait eu le Prix Nobel. Pezeu[2] se trouvait là, funambulesque comme tu le connais. Il semblait préoccupé. Il vint à ma table comme un conspirateur et me demanda tout à trac à voix basse : “Que pensez-vous de Modiano ?” Je lui répondis : “Rien”. Il me dit : “Moi non plus”. Et il repartit, apparemment rasséréné.
Quoi qu’il en soit, comme il n’y a décidément pas de mal à se faire plaisir :
2020/05/16 (土) 15:30
Je me souvenais de ton mot... mais pas des lieux ni de la personne. Je serais moins sévère, aujourd'hui, car depuis avec Angot, Houellebecq, Despentes et autres on le jugerait presque fréquentable. Un petit maître qui a trouvé, comme on dit en Espagne, un truquito et le ressert de livre en livre. Accroche-toi : je l'ai rencontré dans un dîner. Falot, à certains moments intéressant, laissant l'impression de l’avoir toujours connu et deviné dès cinq minutes.