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2025/08/13 (水) 16:10

  • wmt02379
  • Aug 13
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Updated: Aug 15

Kozlovsky me ramène tout droit à l'enfance. Ma soeur comédienne avait rapporté de Moscou où elle était allée jouer Aricie en 60 aux côtés de la Phèdre de légende de Marie Bell un enregistrement intégral de Boris (je sens encore en tapant ce texte l'odeur du mauvais papier qui servait de couverture à l'album), dont je ne pouvais déchiffrer la distribution en cyrillique. J'en passai et repassai la complainte conclusive de l'Innocent, dont la voix si caractéristique de ténor russe me fascinait.

1h 46' 25" →

Ce n'est que quelque trente années plus tard que je découvris dans un coffret de CD qui réunissait les gloires du Bolchoï de l'âge d'or que le chanteur qui m'avait émerveillé enfant n'était autre que l'illustre Ivan Kozlovsky, immortel Lenski,


peu conventionnel Lohengrin



et formidable Faust (avec Reizen et Shumskaya).


 

Faut-il dire à cet égard à quel point je suis le fils spirituel de ma sœur, tant aimée et tant regrettée. Plus âgée que moi de treize ou quatorze ans, elle avait intégré le Conservatoire National d'Art dramatique, et j'avais à peine appris à lire que je lui servais de réplique pour l'aider à apprendre le texte des scènes de thêâtre classique qu'elle devait mémoriser. C'est ainsi que je m'imprégnai comme un buvard de tout un répertoire qui m'est resté, indélébile. Elle était ensuite entrée chez Jean-Louis Barrault, très mélomane (le jeune Boulez était son directeur de la musique et y fonda le Domaine musical), et qui avait décidé de monter avec ses comédiens La Vie Parisienne en recrutant quelques chanteurs professionnels (Suzy Delair, Denise Benoit...) pour les rôles d'exécution vocale tout de même un peu exigeante. Il y eut deux distributions : dans l'une Madeleine Renaud jouait et chantait le rôle de la Baronne suédoise qui visitait Paris en compagnie de son "enragé" de mari, celui qui voulait "s'en fourrer jusque là " au cours de ses trois mois de séjour, dans l'autre le rôle était dévolu à ma sœur. Elle m'emmenait souvent avec elle au Théâtre du Palais- Royal, et les comédiens étaient tous merveilleusement gentils avec moi. Quand j'y pense c'est à peine croyable, mais on m'asseyait sur une chaise, le dos au mur de la fosse d'orchestre, soit invisible du public, et j'assistai ainsi côté jardin à je ne sais combien de représentations du spectacle. Je me souviens même que Jean Parédès qui incarnait le Bottier alla jusqu'à me demander en cours de représentation : « Alors, ce soir ça te plaît, Michel ? ». Si ça me plaisait ! J'étais fasciné par la vivacité du spectacle, la faconde des comédiens, la beauté des actrices (la blonde Simone Valère me paraissait la plus belle femme qui fût au monde !). Et bien entendu, la musique enivrante d'Offenbach m'est restée telle quelle : aujourd'hui encore, je pourrais fredonner tous les rôles de cette opérette d'un bout à l'autre, chœurs y compris !

Je ne savais pas toutefois qu'on avait enregistré le spectacle, et il y a quatre ou cinq ans,tapant à tout hasard sur You Tube “La vie parisienne Barrault”, voici ce sur quoi je tombai, et dans quelle qualité de son ! 



Bien sûr c'est vocalement très mauvais, mais quelle importance ? Ma vie est à partir de ça, je pourrais même dire que je ne suis jamais sorti de la fosse du Palais-Royal. C'est la distribution avec Madeleine Renaud dans la Baronne, le petit Bobinet est Jean-Pierre Granval, Raoul de Gardefeu est chanté plutôt joliment par Jean Desailly, Suzy Delair est bien entendu Métella, le couple suédois réunit Pierre Bertin et Madeleine Renaud, et le Brésilien est massacré par Barrault. Ai-je besoin de dire que j’ai écrasé une larme ?

 

Deux choses : j'ai retrouvé à ma grande surprise le petit garçon dans un très vieux film de Bergman, Till glädje (Vers la joie). C'est de 1h 34' 50" à la fin.


Et bien des années après aussi, je suis tombé sur plusieurs recueils d'airs d'opérettes enregistrés au cours de ces années-là par Suzy Delair, et j'ai constaté, ce qu'on ne sait guère, quelle délicieuse chanteuse-diseuse elle était avec les moyens qui étaient les siens, renvoyant à leurs chères études bien des divas empoulées qui se sont risquées à leurs périls dans ce répertoire.

 

Lettre de Métella

 

Rondo de Métella

 

Dites-lui

 

On me nomme Hélène la blonde

 

O mon cher amant je te jure

 

Mon dieu que les hommes sont bêtes

 

Voici le sabre de mon père

 

Chanson de Fortunio

 

Je ne suis pas ce que l'on pense

 

 

Puisqu'on en est à l'enfance, poursuivons. On me pardonnera de ravauder ici quelques Folies, car comme disait le duc d'Elbeuf, c't'avec du vieux qu'on fait du neuf. Mon frère aîné (plus âgé que moi de près de dix-sept ans, et qui nous a quittés nonagénaire l'an dernier) possédait deux disques classiques, auxquels vint donc s’agréger le Boris "stalinien"de Golovanov (1948) que ma soeur rapporta de Moscou. Il s’agissait d’un recueil d’ouvertures et de préludes de Wagner (celle de Tannhaüser me transportait) par Klemperer avec le Philharmonia,

 

 

et d’un disque d’airs d’opéras français et italiens, chantés en français par Michel Dens. C’est pourquoi, aujourd’hui encore,”Il balen del suo sorriso” reste pour moi “Son regard, son doux sourire”,

 

 

et “Di provenza il mar il suol”, “Lorsqu’à de folles amours”.

 

 

Un morceau me plaisait particulièrement, c’était la Chanson bacchique du Hamlet d’Ambroise Thomas. Oui, je sais, “il y a trois sortes de musiques, la bonne, la mauvaise et celle d'Ambroise Thomas", mais j’avais entre dix et douze ans et dès l’introduction ce son fanfaronnant d’orchestre me transportait. Cette pièce brillante de baryton demeure, avec La Vie Parisienne et la complainte de l’Innocent de Boris, mon marche-pied vers ce qui a constitué, il faut bien le dire, la passion de ma vie.

 

 

J'eus plus tard une prédilection pour Liliane Berton, soprano léger à la diction cristalline qui, ceci explique sans doute cela, formait avec Dens un duo d'opérette célèbre. 


Nous avons fait un beau voyage

Monsieur je suis toute confuse

Duetto de l'âne

 

Adorable Siebel de Faust,

impeccable Rosine du Barbier,

piquante Adèle de la Chauve-Souris,

Berton fut Constance à la création du Dialogue, dans cette distribution proprement miraculeuse.  

 

Je ne connais rien de plus terrifiant en effet que la mort de la Première prieure dans l'incarnation saisissante de Denise Scharley. Ne parlons pas de la qualité de la réplique qu'elle trouve chez Rita Gorr, comme d'une version féminine de la scène du Grand Inquisiteur. 

 

 

 

 

Et que dire de  Crespin dans l'air de la Seconde prieure ?

 

 

Insurpassables, mon cher Watson. De Scharley, je me passais autrefois avec enivrement l'air du premier acte de Sigurd. Quel alto mes aïeux ! 


Sublime scène de la Comtesse dans La Dame de pique en VF. 


Avec de tels moyens, une Ulrica d'anthologie dans Le Bal Masqué en VO. 


Et avec un tel tempérament (et un tel grave dans l'Air des Cartes), quelle Carmen ! Peut-être bien la meilleure tout simplement. 


Je vais danser en votre honneur

Air des cartes

Duo final

 

Quant à sa Dalila, sa Charlotte et son Orphée...  

 

 

 

 

Le moule est cassé.

 

 

 
 
 

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