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FOLIES FRANÇAISES 2020 - AVANT-PROPOS

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Updated: Mar 4, 2022

Ce qui va suivre est né d’une lecture, ou plus exactement d’une relecture.


À la fin du mois de mars 2020, je suis en effet retombé un peu par hasard sur un livre d’entretiens remontant à une dizaine d’années entre Seiji Ozawa et le romancier Haruki Murakami, l’éternel nobélisable. Comme tous les Japonais, Murakami a une vague teinture du solfège qu’on lui a inculquée à l’école, et comme tous les mélomanes passionnés il connaît un vaste répertoire. Il est donc à même de soutenir dans une certaine mesure la conversation avec l’une des pointures mondiales de la baguette, et le livre évoque de temps à autre, à titre d’exemple de ce qu’il faut faire ou ne pas faire, des enregistrements que l’on peut aujourd’hui évidemment trouver sur You Tube, qui propose à peu près tout ce que l’on peut imaginer, et aussi le reste. L’un et l’autre déliraient sur la pianiste Mitsuko Uchida, la grande prêtresse japonaise de la première école viennoise (Mozart, Beethoven, Schubert…), et notamment sur un enregistrement par elle du second mouvement (Largo) du Troisième Concerto de Beethoven. Je n’avais jamais vraiment écouté cette dame, et je me suis donc rendu sur You Tube, où j’ai été de fait stupéfié par la concentration, la profondeur et la beauté du toucher. Je m'en suis donc ouvert par mail à mon ami François Lachaud, l’actuel directeur du bureau de Tokyo de l’École française d’Extrême-Orient avec qui je partage depuis bien longtemps la passion de la musique, et c’est ainsi que s’est enclenchée sans que nous y prenions vraiment garde la correspondance qui va suivre. Du piano d’Uchida nous sommes passés à nos marottes lyriques, et nous avons appliqué systématiquement la recette utilisée à dose homéopathique par Ozawa et Murakami, c’est-à-dire que nous illustrons nos propos par des exemples pris sur You Tube. C’est ainsi que le lecteur qui parcourrait consciencieusement notre texte en cliquant sur les trois cents liens informatiques que nous lui proposons aurait à sa disposition une trentaine d’heures de musiques parmi les plus belles qui soient, puisqu’il n’y a pas de raison que nous passions des choses qui nous déplaisent.


Le jeu (qui peut à l’occasion prendre des allures de joute cryptée) auquel François et moi nous sommes livrés d’avril à juin 2020 entre Tokyo où il réside et Kyoto où j’habite est non seulement délicieux, il induit aussi à une quasi auto-analyse et nous renvoie à des choses qui sont constitutives de nous-mêmes et que nous avions pour certaines d’entre elles sinon oubliées, du moins perdues de vue depuis des décennies. Cela n’est par ailleurs possible que parce que la vie a fait que nous sommes unis par des passions communes où la musique et le Japon ont certes leur part, mais pas seulement : lorsque ses fonctions à l’EFEO le retiennent quelques années en France, François est parfaitement capable de prendre l’avion pour assister à une représentation d’opéra à Milan ou à Vienne, mais aussi à une corrida d’envergure dans je ne sais quelle plaza de toros des deux côtés de la frontière, ou à un Écosse-France à Murrayfield. Quant à moi je crois bien n’avoir rien de plus cher au monde que la troupe d’opéra réunissant certains des meilleurs jeunes chanteurs du Kansai, la Kyoto Opera Society, que j’ai réussi à maintenir hors de l’eau pendant vingt ans, et dont le coronavirus aura selon toute vraisemblance eu définitivement la peau, mais au moins cela mettra-t-il un terme objectif à une aventure que je n’aurais jamais pu me résoudre à enterrer moi-même. Tout cela pour indiquer que les deux personnages qui s’expriment dans nos échanges ne sont pas des individus désincarnés, les personnages A et B d’un dialogue du dix-huitième siècle. Nous sommes les acteurs d’une histoire qui est la nôtre et qui vient s‘inviter de temps à autre dans nos propos, à commencer par l’étrange période et l’étrange pays qui leur servent de contexte.


Faut-il dire que nous n’avions évidemment pas songé à la publication, mais qu’au train où sont allées les choses il nous est apparu que nous étions en présence d’un objet éditorial d’un genre particulier du fait du recours à l’électronique, qui pourrait procurer du plaisir à d’autres que ceux qui s’y adonnent.


Ainsi sont nées ces Folies françaises, puisque c’est le titre emprunté à une suite pour clavecin de Couperin que nous avons adopté pour notre texte. Il lui va nous semble-t-il comme un gant !


Kyoto, le 28 décembre 2020 Michel Wasserman


Ancien directeur de l’Institut franco-japonais du Kansai et de la Villa Kujoyama, Michel Wasserman enseigne à la Faculté des Relations internationales de l’Université Ritsumeikan (Kyoto). Metteur en scène, il dirige une compagnie lyrique, la Kyoto Opera Society.


Ancien responsable du Centre de Kyoto de l’École française d’Extrême-Orient puis directeur des études de l’institution, François Lachaud dirige actuellement le Centre de Tokyo de l’EFEO. Il enseigne parallèlement à la section des sciences religieuses de l’École pratique des hautes études.

 
 
 

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